Une tour d’habitation à Gaza, partiellement détruite en mai 2021 – Territoire Palestinien occupé
Nous avons tout perdu en une fraction de seconde.
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Assez de guerres, assez de morts, assez de destructions !
Feryal al-Sayegh,
Propriétaire d’un appartement de la tour Al-Mena
Images satellite de Gaza avant et après les hostilités de mai 2021
Sources : ©2021 European Space Imaging / Maxar Technologies
2 000
logements détruits
Durant les hostilités de mai 2021, en plus des hôpitaux et des écoles, 2173 logements ont été détruits, et quelque 15 000 autres partiellement endommagés.
113 000
personnes déplacées
Les combats de mai 2021 ont contraint au déplacement près de 113 000 Gazaouis, soit 10% des ménages.
Haute de douze étages, la tour Al-Mena était un repère dans la ville de Gaza et une vingtaine de familles élargies y vivaient. Les habitants s’y sentaient chez eux. Leur appartement était leur havre de paix, la récompense d’une vie passée à travailler dur pour s’assurer une certaine sécurité financière et un avenir meilleur. Un accomplissement d’autant plus précieux à leurs yeux que la population gazaouie est soumise aux restrictions israéliennes depuis 2007, année du changement de pouvoir dans la bande de Gaza.
Avec plus de deux millions d’habitants, la bande de Gaza compte parmi les territoires les plus densément peuplés de la planète. Et elle est aussi, régulièrement, le théâtre d’affrontements. Durant les hostilités de mai 2021, qui ont coûté la vie à 13 Israéliens et 261 Palestiniens – dont 69 enfants et 41 femmes –, la tour Al-Mena a été gravement endommagée lors d’un bombardement qui visait l’immeuble voisin. Les habitants de la tour ont été forcés de quitter leurs logements, à l’image des 113 000 autres personnes qui se sont elles aussi retrouvées sans toit et en situation d’extrême vulnérabilité, ce nouvel épisode de violence ayant entraîné la destruction totale ou partielle de nombreux immeubles résidentiels, d’installations municipales et d’infrastructures urbaines, entravant la fourniture de services et l’approvisionnement de marchandises.
Les hostilités de 2021 ont encore aggravé la situation économique des Gazaouis, déjà dramatique. Après plus d’une décennie de restrictions à la circulation des personnes et des marchandises et de violences à répétition, l’économie gazaouie est asphyxiée. Les familles qui ont été forcées de quitter la tour Al-Mena se sont retrouvées à la rue, sans rien, leurs espoirs, leurs rêves et leur sécurité financière réduits à néant.
1 milliard
de dollars US de coût total
D’après l’évaluation rapide des dommages et des besoins menée à Gaza par la Banque mondiale entre le 25 mai et le 30 juin 2021, les dommages matériels s’élevaient à 380 millions de dollars US, les pertes économiques à 190 millions de dollars US, et les besoins en matière de relèvement et de reconstruction à 485 millions de dollars US pour les 24 premiers mois.
Je me suis senti dépossédé, vulnérable, perdu.
Imad Handouqa,
Propriétaire de la tour Al-Mena
À Gaza, la famille est au cœur de la vie sociale et économique. La tour Al-Mena en était une parfaite illustration, puisque nombre de ses habitants y avaient pour voisins d’autres membres de leur famille – parents, enfants, mais aussi grands-parents, oncles, tantes et cousins s’y côtoyaient. Ils partageaient le quotidien et se soutenaient les uns les autres sur les plans émotionnel, financier et social, compensant ainsi l’absence de services publics, conséquence directe du conflit. Réunis au sein du même immeuble, les habitants de la tour formaient une véritable communauté.
Pendant des années, ils ont vécu dans la peur d’une attaque aérienne, redoutant d’être un jour sommés d’évacuer, ce qui a fini par leur arriver, quelques minutes seulement avant l’attaque. Ils se sont enfuis sans rien pouvoir emporter, abandonnant derrière eux tout ce qu’ils possédaient : meubles et équipements de valeur, effets personnels, albums photos si chers à leur cœur. La tour a été partiellement détruite et était depuis en reconstruction sur les fondations d’origine, mais les anciens habitants craignaient qu’elle ne soit pas suffisamment solide et souhaitaient qu’elle soit entièrement rebâtie dans le cadre d’un plan de réhabilitation de l’ensemble du quartier.
À la suite du bombardement, la petite communauté s’était trouvée dispersée. Certains habitants, qui étaient propriétaires de leur appartement, étaient parvenus à trouver une location qu’ils peinaient néanmoins à payer, tandis que d’autres avaient dû se reloger dans des abris temporaires ou s’étaient retrouvés à la rue. Privés de leur source de revenus et à court d’argent, ils étaient à bout de forces. La perte brutale de leur environnement familier, de leur sécurité financière et de leur petite communauté, et l’expérience concomitante du déplacement, du déclassement et de l’incertitude les avaient laissés profondément meurtris et fragilisés sur le plan psychologique. Tout ceci avant que ne survienne une nouvelle escalade de violence en octobre 2023.
25%
des habitants sont totalement démunis
Les Gazaouis n’ont accès à l’électricité que 10 à 12 heures par jour, de manière intermittente. Cela signifie qu’un habitant sur quatre peut à tout moment se retrouver sans électricité et, partant, dans l’impossibilité de s’approvisionner en eau potable, de cuisiner, de laver son linge, d’étudier, de garder sa nourriture au frais ou de se chauffer.
Je ne veux pas de votre pitié. Tout ce que je veux, c’est retrouver mon appartement tel qu’il était.
Feryal al-Sayegh,
Propriétaire d’un appartement de la tour Al-Mena
Le droit international humanitaire (DIH) interdit de diriger des attaques contre les civils, leurs biens et les infrastructures indispensables à la survie de la population. Pourtant, l’utilisation d’armes explosives lourdes dans des zones urbaines entraîne la destruction d’habitations, d’infrastructures, etc., et compromet la sécurité financière et l’équilibre psychosocial des civils, les parties belligérantes manquant trop souvent à leurs obligations.
Les sans-logement, les déplacés et les démunis sont particulièrement vulnérables. Du fait des difficultés économiques et sociales auxquelles ils sont confrontés, ils souffrent de stress, d’anxiété, de troubles psychologiques et de traumatismes, dont les effets sont exacerbés par l’extrême proximité des combats et leur intensité.
En zone urbaine, la fourniture d’aides en espèces peut aider les gens à se remettre sur pied, mais d’autres formes de soutien doivent être mises en place : outre les indispensables services médicaux d’urgence, des services de santé mentale et de soutien psychosocial doivent être accessibles aux civils pris dans l’étau des conflits urbains, de plus en plus nombreux.